la rencontre
C’est dans une salle de l’école du TNS que Thomas
Jolly les a reçus pour 1h30 de rencontre d’une densité et d’une richesse
incroyables, avec une simplicité déconcertante pour les élèves. Il a
écouté avec beaucoup d’attention et de bienveillance les restitutions
des passages mis en voix et en espace par les élèves et a répondu
ensuite à leurs questions.
Les élèves se sont demandés quelles questions à poser à ce jeune metteur en scène qui se saisit en 2018 d’un texte antique ?
Qu’est ce qui l’a poussé à faire ce métier et d’où est venu son goût pour le théâtre ?
Quel est son quotidien de comédien et de metteur en scène ?
Quels changements dans la mise en scène quand on passe de la scène du Palais des Papes au plateau de la salle Koltès ? Pourquoi cette scénographie ?
Quelle scène a-t-elle été la plus difficile à monter ?
Comment choisit-il ses comédiens et pour quels rôles ?
Quand sait-il que c’est cette pièce et pas une autre qu’il veut mettre en scène?
Quelle pièce a été la plus difficile à monter et quel personnage a-t-il préféré interpréter ?
Laisse-t-il les comédiens libres de faire des propositions de jeu ou dirige-t-il tout « d’une main de maître » ?
Les élèves se sont demandés quelles questions à poser à ce jeune metteur en scène qui se saisit en 2018 d’un texte antique ?
Qu’est ce qui l’a poussé à faire ce métier et d’où est venu son goût pour le théâtre ?
Quel est son quotidien de comédien et de metteur en scène ?
Quels changements dans la mise en scène quand on passe de la scène du Palais des Papes au plateau de la salle Koltès ? Pourquoi cette scénographie ?
Quelle scène a-t-elle été la plus difficile à monter ?
Comment choisit-il ses comédiens et pour quels rôles ?
Quand sait-il que c’est cette pièce et pas une autre qu’il veut mettre en scène?
Quelle pièce a été la plus difficile à monter et quel personnage a-t-il préféré interpréter ?
Laisse-t-il les comédiens libres de faire des propositions de jeu ou dirige-t-il tout « d’une main de maître » ?
Vidéo en images de la rencontre
Enregistrement audio de la rencontre avec Thomas Jolly - TNS - 11.12.2018 | |
File Size: | 9862 kb |
File Type: | mp3 |
thomas jolly ...
Avant la rencontre, afin de mieux connaitre Thomas Jolly, un document biographique et analytique de son travail est donné aux élèves [extraits ci-dessous].
Il contient également de nombreuses photos et des liens vers différentes ressources : interview, émissions radiophoniques et captations de spectacle.
Il contient également de nombreuses photos et des liens vers différentes ressources : interview, émissions radiophoniques et captations de spectacle.
[Extraits du document donné aux élèves]
Il commence le théâtre dès 1993 dans la compagnie “théâtre d’enfants” dirigée par Nathalie Barrabé et entre ensuite au lycée Jeanne d’Arc en classe théâtre.
En 2003, il inscrit à l’Ecole Supérieure d’Art Dramatique du Théâtre National de Bretagne à Rennes dirigée par Stanislas Nordey et travaille sous la direction de Jean-François Sivadier, Claude Régy, Bruno Meyssat, Marie Vayssière.
A l’issue de sa formation, il fonde la Piccola Familia avec une partie des comédiens qui ont accompagné ses années d’apprentissage. Il met en scène Arlequin poli par l’amour de Marivaux en 2007 (repris en 2011 avec une nouvelle distribution), Toâ de Sacha Guitry en 2009 (Prix du public, Festival Impatience, Théâtre de l’Odéon, Paris) et Piscine (pas d’eau) de Mark Ravenhill présenté au Festival Mettre en Scène en 2011 à Rennes.
À partir de 2009, il travaille sur la pièce Henry VI de William Shakespeare, un spectacle-fleuve de dix-huit heures dont il créé les deux premiers épisodes en 2012 au Trident – Scène nationale de Cherbourg-Octeville. Le troisième épisode voit le jour au Théâtre National de Bretagne à Rennes (Festival Mettre en Scène) en 2013.
C’est en juillet 2014 qu’il créé le quatrième et dernier épisode d’Henry VI : l’intégralité du spectacle est donné lors de la 68e édition du Festival d’Avignon.
En 2015, il entreprend la création de Richard III, concluant ainsi cette tétralogie shakespearienne.
Cette même année, il reçoit le Prix Jean-Jacques Gautier – SACD et le Molière 2015 de la mise en scène d’un spectacle de Théâtre Public pour Henry VI.
En parallèle de ses créations, Thomas Jolly intervient auprès des VIIe et VIIIe promotions de l’École supérieure d’art dramatique du Théâtre National de Bretagne à Rennes. Il réalise également des workshops avec les élèves du Conservatoire de Rouen, et de l’École supérieure d’art dramatique de Strasbourg.
En 2016, il est artiste associé du Théâtre National de Strasbourg et met en scène Le Radeau de la Méduse de Georg Kaiser avec les élèves de l’École Supérieur d’Art Dramatique de Strasbourg .
En juin 2017, il rencontrera à cette occasion pour la première fois des élèves du lycée lors de la présentation du spectacle qui était programmé dans le cadre de la 1ère édition du Prix Bernard-Marie Koltès du TNS auquel le lycée participait.
Cette même année, à l’occasion de la 70e édition du Festival d’Avignon, il présente avec la Piccola Familia Le Ciel, la nuit et la pierre glorieuse, un feuilleton théâtral en plein air retraçant l’Histoire du Festival en 16 épisodes. En parallèle, il conçoit avec l’auteur Damien Gabriac Les Chroniques du Festival d’Avignon, un programme court diffusé sur France Télévisions en juillet 2016.
En 2018, Olivier Py, directeur du festival d'Avignon, lui confit l'ouverture du festival dans la cour d’honneur du Palais
des Papes, a seulement 36 ans, avec Thyeste de Sénèque.
Il s'intéresse aussi à la mise en scène d'opéras : Eliogabalo de Cavalli à l’Opéra Garnier et Fantasio d’Offenbach à l’Opéra Comique, durant la saison 2016-2017, et Macbeth Underword de Claude Dussapin en 2019 pour La Monnaie de Bruxelles.
Il commence le théâtre dès 1993 dans la compagnie “théâtre d’enfants” dirigée par Nathalie Barrabé et entre ensuite au lycée Jeanne d’Arc en classe théâtre.
En 2003, il inscrit à l’Ecole Supérieure d’Art Dramatique du Théâtre National de Bretagne à Rennes dirigée par Stanislas Nordey et travaille sous la direction de Jean-François Sivadier, Claude Régy, Bruno Meyssat, Marie Vayssière.
A l’issue de sa formation, il fonde la Piccola Familia avec une partie des comédiens qui ont accompagné ses années d’apprentissage. Il met en scène Arlequin poli par l’amour de Marivaux en 2007 (repris en 2011 avec une nouvelle distribution), Toâ de Sacha Guitry en 2009 (Prix du public, Festival Impatience, Théâtre de l’Odéon, Paris) et Piscine (pas d’eau) de Mark Ravenhill présenté au Festival Mettre en Scène en 2011 à Rennes.
À partir de 2009, il travaille sur la pièce Henry VI de William Shakespeare, un spectacle-fleuve de dix-huit heures dont il créé les deux premiers épisodes en 2012 au Trident – Scène nationale de Cherbourg-Octeville. Le troisième épisode voit le jour au Théâtre National de Bretagne à Rennes (Festival Mettre en Scène) en 2013.
C’est en juillet 2014 qu’il créé le quatrième et dernier épisode d’Henry VI : l’intégralité du spectacle est donné lors de la 68e édition du Festival d’Avignon.
En 2015, il entreprend la création de Richard III, concluant ainsi cette tétralogie shakespearienne.
Cette même année, il reçoit le Prix Jean-Jacques Gautier – SACD et le Molière 2015 de la mise en scène d’un spectacle de Théâtre Public pour Henry VI.
En parallèle de ses créations, Thomas Jolly intervient auprès des VIIe et VIIIe promotions de l’École supérieure d’art dramatique du Théâtre National de Bretagne à Rennes. Il réalise également des workshops avec les élèves du Conservatoire de Rouen, et de l’École supérieure d’art dramatique de Strasbourg.
En 2016, il est artiste associé du Théâtre National de Strasbourg et met en scène Le Radeau de la Méduse de Georg Kaiser avec les élèves de l’École Supérieur d’Art Dramatique de Strasbourg .
En juin 2017, il rencontrera à cette occasion pour la première fois des élèves du lycée lors de la présentation du spectacle qui était programmé dans le cadre de la 1ère édition du Prix Bernard-Marie Koltès du TNS auquel le lycée participait.
Cette même année, à l’occasion de la 70e édition du Festival d’Avignon, il présente avec la Piccola Familia Le Ciel, la nuit et la pierre glorieuse, un feuilleton théâtral en plein air retraçant l’Histoire du Festival en 16 épisodes. En parallèle, il conçoit avec l’auteur Damien Gabriac Les Chroniques du Festival d’Avignon, un programme court diffusé sur France Télévisions en juillet 2016.
En 2018, Olivier Py, directeur du festival d'Avignon, lui confit l'ouverture du festival dans la cour d’honneur du Palais
des Papes, a seulement 36 ans, avec Thyeste de Sénèque.
Il s'intéresse aussi à la mise en scène d'opéras : Eliogabalo de Cavalli à l’Opéra Garnier et Fantasio d’Offenbach à l’Opéra Comique, durant la saison 2016-2017, et Macbeth Underword de Claude Dussapin en 2019 pour La Monnaie de Bruxelles.
les photographies proviennent du site de la Piccola Familia © www.lapiccolafmailia.fr
le metteur en scène
Comment peut se caractériser l’approche scénique et esthétique de Thomas Jolly ?
- l’occupation du plateau et la scénographie :
Dans les spectacles de Thomas Jolly, le plateau est assez dépouillé. Les éléments de scénographie résident en général dans un praticable, échafaudage métallique et modulable, élément fixe qu’on retrouve dans beaucoup de ses spectacles (ex. : Henry VI / Richard III). Les autres éléments de scénographie ou accessoires sont souvent assez simples : escalier, estrade, table.
Dans Thyeste, le plateau est occupé à jardin par une tête gigantesque décapitée et posée à terre, bouche ouverte et les yeux grands ouverts, à cour par une main tout aussi gigantesque et au centre du plateau, un puits d'où sortira Tantale. Ce sont les seuls éléments de décor. Viendront s'ajouter la pluie de papillons noirs et la table du banquet des deux frères, Atrée et Thyeste.
- un rapprochement avec le théâtre de tréteaux et la commédia dell’Arte :
on retrouve une scénographie proche du théâtre de tréteaux ou de Commedia dell’Arte et notamment dans le praticable métallique qui accompagne nombre de ses spectacles. De plus, l’univers festif, coloré voire burlesque des fêtes foraines ou des foires sont aussi très présentes (Henry VI ; Arlequin poli par l’amour), par exemple dans certains accessoires (Ballons pour Arlequin poli par l’amour ; Lampions pour Fantasio).
Mais c’est dans le choix des costumes et surtout dans ceux du maquillage qu’on peut identifier cette proximité entre le
théâtre de Thomas Jolly et le théâtre de tréteaux ou la Commedia dell’Arte.
Certains costumes choisis par le metteur en scène arborent des couleurs vives, signifiantes pour le spectateur, afin de saisir les caractéristiques de la personnalité du personnage (Fantasio ; Eliogabalo, Richard).
Une constante dans son théâtre, qui se retrouve presque toujours d’un spectacle à un autre, est le maquillage qu’il demande aux comédiens de porter. Ces derniers ont le visage poudré ou peint en blanc avec les yeux cernés de fard noir
(parfois débordant sur le dessus ou le dessous des paupières) et les lèvres rouges. Certains critiques ont pu y voir une certaine esthétique gothique ou punk-rock, argument un peu facile sans connaître l’histoire du théâtre ... Peut être est-il plus juste d’y voir un retour aux maquillages de l’Antiquité ou à ceux du théâtre symboliste comme celui de Brecht.
- la lumière comme élément essentiel
La lumière tient un rôle prépondérant dans le travail de Thomas Jolly. Il travaille depuis le début avec Antoine Travert mais ce n’est pas l’un qui est au service de l’autre ou l’inverse. Les deux hommes collaborent étroitement sur toutes les productions qu’ils entreprennent ensemble. Les couleurs utilisées sont souvent en opposition. On alterne souvent entre un plateau noir, nimbé dans une demi-obscurité (effet de clair obscur caravagesque) et un plateau sous les feux d’un rouge ardent ou d’un bleu électrique.
De plus, on observe de grands faisceaux de lumières (produit par des lampe qu’on appelle « lyre beam ») qui structurent
le plateau de façon géométrique (horizontales ; verticales ; diagonales). Ces faisceaux découpent l’espace de jeu, le décomposent et le fractionnent en formant un élément important du décor qui fait sens au même titre que les autres éléments (éclairs fantomatiques verts ou oranges dans Richard III ; rayons du soleil dans Eliogabalo).
- la musique et le son
C’est également un élément important des spectacles mis en scène par Thomas Jolly.
Le son est là pour souligner une ambiance, une couleur … ou au contraire pour apporter une touche d’originalité (packman dans Henry VI). Comme avec Antoine Travert pour la lumière, Thomas Jolly travaille depuis le début avec Clément Mirguet. C'est ensemble qu'ils créent un univers sonore particulier et identifié au sujet du spectacle sur lequel ils travaillent.
Dans Thyeste, l'univers sonore est présent dès les premières secondes du spectacle, et sublimer par le choix de faire incarner la parole du chœur par une comédienne qui, au lieu de le déclamer, l'incarne en le slamant. On est à la lisière du texte dit et de la chanson, dans une appropriation très particulière de la voix et du souffle.
- l’occupation du plateau et la scénographie :
Dans les spectacles de Thomas Jolly, le plateau est assez dépouillé. Les éléments de scénographie résident en général dans un praticable, échafaudage métallique et modulable, élément fixe qu’on retrouve dans beaucoup de ses spectacles (ex. : Henry VI / Richard III). Les autres éléments de scénographie ou accessoires sont souvent assez simples : escalier, estrade, table.
Dans Thyeste, le plateau est occupé à jardin par une tête gigantesque décapitée et posée à terre, bouche ouverte et les yeux grands ouverts, à cour par une main tout aussi gigantesque et au centre du plateau, un puits d'où sortira Tantale. Ce sont les seuls éléments de décor. Viendront s'ajouter la pluie de papillons noirs et la table du banquet des deux frères, Atrée et Thyeste.
- un rapprochement avec le théâtre de tréteaux et la commédia dell’Arte :
on retrouve une scénographie proche du théâtre de tréteaux ou de Commedia dell’Arte et notamment dans le praticable métallique qui accompagne nombre de ses spectacles. De plus, l’univers festif, coloré voire burlesque des fêtes foraines ou des foires sont aussi très présentes (Henry VI ; Arlequin poli par l’amour), par exemple dans certains accessoires (Ballons pour Arlequin poli par l’amour ; Lampions pour Fantasio).
Mais c’est dans le choix des costumes et surtout dans ceux du maquillage qu’on peut identifier cette proximité entre le
théâtre de Thomas Jolly et le théâtre de tréteaux ou la Commedia dell’Arte.
Certains costumes choisis par le metteur en scène arborent des couleurs vives, signifiantes pour le spectateur, afin de saisir les caractéristiques de la personnalité du personnage (Fantasio ; Eliogabalo, Richard).
Une constante dans son théâtre, qui se retrouve presque toujours d’un spectacle à un autre, est le maquillage qu’il demande aux comédiens de porter. Ces derniers ont le visage poudré ou peint en blanc avec les yeux cernés de fard noir
(parfois débordant sur le dessus ou le dessous des paupières) et les lèvres rouges. Certains critiques ont pu y voir une certaine esthétique gothique ou punk-rock, argument un peu facile sans connaître l’histoire du théâtre ... Peut être est-il plus juste d’y voir un retour aux maquillages de l’Antiquité ou à ceux du théâtre symboliste comme celui de Brecht.
- la lumière comme élément essentiel
La lumière tient un rôle prépondérant dans le travail de Thomas Jolly. Il travaille depuis le début avec Antoine Travert mais ce n’est pas l’un qui est au service de l’autre ou l’inverse. Les deux hommes collaborent étroitement sur toutes les productions qu’ils entreprennent ensemble. Les couleurs utilisées sont souvent en opposition. On alterne souvent entre un plateau noir, nimbé dans une demi-obscurité (effet de clair obscur caravagesque) et un plateau sous les feux d’un rouge ardent ou d’un bleu électrique.
De plus, on observe de grands faisceaux de lumières (produit par des lampe qu’on appelle « lyre beam ») qui structurent
le plateau de façon géométrique (horizontales ; verticales ; diagonales). Ces faisceaux découpent l’espace de jeu, le décomposent et le fractionnent en formant un élément important du décor qui fait sens au même titre que les autres éléments (éclairs fantomatiques verts ou oranges dans Richard III ; rayons du soleil dans Eliogabalo).
- la musique et le son
C’est également un élément important des spectacles mis en scène par Thomas Jolly.
Le son est là pour souligner une ambiance, une couleur … ou au contraire pour apporter une touche d’originalité (packman dans Henry VI). Comme avec Antoine Travert pour la lumière, Thomas Jolly travaille depuis le début avec Clément Mirguet. C'est ensemble qu'ils créent un univers sonore particulier et identifié au sujet du spectacle sur lequel ils travaillent.
Dans Thyeste, l'univers sonore est présent dès les premières secondes du spectacle, et sublimer par le choix de faire incarner la parole du chœur par une comédienne qui, au lieu de le déclamer, l'incarne en le slamant. On est à la lisière du texte dit et de la chanson, dans une appropriation très particulière de la voix et du souffle.
les photographies proviennent du site de la Piccola Familia © www.lapiccolafmailia.fr
le théâtre de la cruauté d’Artaud réincarné ?
Derrière le mot de « cruauté », il faut entendre « souffrance d'exister ». L'acteur doit brûler les planches comme un
supplicié sur son bûcher.
Avec ce concept, Antonin Artaud (1896-1948) propose « un théâtre où des images physiques violentes broient et hypnotisent la sensibilité du spectateur ». A la vue de cette violence naît la « violence de la pensée » chez le spectateur, violence désintéressée qui joue un rôle semblable à la catharsis. En effet, le théâtre devient une fonction qui fournit « au
spectateur des précipités véridiques de rêves, où son goût du crime, ses obsessions érotiques, sa sauvagerie, ses chimères, son sens utopique de la vie et des choses, son cannibalisme même, se débondent, sur un plan non pas supposé et illusoire, mais intérieur » ; en d’autres mots, ces rêves exaltent ses pulsions pour produire une « sublimation », sorte de purgation des mauvaises passions.
Artaud aimerait retrouver la force que les tragédies antiques pouvaient exercer en leur temps et donc reconstruire un théâtre « autour de personnages fameux, de crimes atroces, de surhumains dévouements », avec des « thèmes historiques ou cosmiques, connus de tous ».
Antonin Artaud place la mise en scène comme « le point de départ de toute création théâtrale ». Pour que ce théâtre puisse agir, il faut d’abord « lui rendre son langage ». Et c’est la mise en scène qui, au centre du processus de création, va pouvoir donner naissance au « langage type du théâtre » « dynamique et dans l’espace ».
Dans sa conception du spectacle, la sonorisation est constante et les « cris » sont recherchés puisqu’ils sont un moyen de communication directe aux sens des spectateurs.
Dans « Le théâtre de la cruauté », Artaud dresse un portrait du spectacle qu’il souhaite atteindre :
« Tout spectacle contiendra un élément physique et objectif, sensible à tous. Cris, plaintes, apparitions, surprises, coups
de théâtre de toutes sortes, beauté magique des costumes pris à certains modèles rituels, resplendissements de la
lumière, beauté incantatoire des voix, charme de l’harmonie, notes rares de la musique, couleurs des objets, rythme
physique des mouvements dont le crescendo et le decrescendo épousera la pulsation de mouvements familiers à tous,
apparitions concrètes d’objets neufs et surprenants, masques, mannequins de plusieurs mètres, changements brusques
de la lumière, action physique de la lumière qui éveille le chaud et le froid, etc » [Source : Antonin Artaud, Le théâtre et son double, Paris, Gallimard, coll. « folio essais »]
Artaud pense que le théâtre peut agir potentiellement pour changer la société : « le théâtre utilisé dans un sens supérieur (…) a la force d’influer sur l’aspect et sur la formation des choses »
On retrouve chez Thomas Jolly cette volonté de faire déclamer le texte avec force, véhémence, volonté parfois aussi de pousser les comédiens qu’il dirige (mais également lui-même lorsqu'il incarne Richard ou Atrée) dans des retranchements passionnels et passionnés, de les positionner dans des postures physiques inconfortables voire douloureuses.
Le son et la lumière ne sont pas pour lui des accessoires de jeu ou de mise en scène mais des éléments aussi importants que le jeu des acteurs et qu’il faut envisager avec autant de résonance que le texte ou le jeu.
Thomas Jolly aime à mettre en scène des personnages de théâtre "monstrueux", torturés mais qui au départ étaient presque normaux … c’est la société, la quête du pouvoir, la déception, la jalousie, entre autres, qui les a rendus cruels, totalitaires, meurtriers. On pourrait établir un lien entre ces choix du metteur en scène et « La banalité du mal » qu'Hannah Arendt théorisa en 1961 en parlant d’Eichmann, fonctionnaire et criminel nazi, jugé à Jérusalem. En effet, le mal est insidieux et peut se nicher au cœur de personnes au départ normales mais que le pouvoir corrompt. C'est ce qu'on peut entendre lors des différentes interview de Thomas Jolly (que vous avez en référence au début de ce dossier). On pourrait citer en exemple le personnage de Richard dans Richard III. Mais bien bien plus que Richard, Atrée dans Thyeste en est l’illustration parfaire. Qu'est ce qui fait qu'Atrée passe du frère et du mari aimant, du roi juste au monstre
sanguinaire qui fera égorgé ses neveux pour les donner à manger à leur père Thyeste.
Comme Artaud, Thomas Jolly a la juste conviction que le théâtre est certes un divertissement, mais qu'il a aussi, depuis l'Antiquité, la fonction de faire réfléchir le peuple pour avancer, voire changer les sociétés dans lesquelles nous évoluons. C'est avec cette conviction chevillée au corps qu'il choisit les textes et les personnages qu'il met au plateau.
« Il y a deux manière de passionner la foule au théâtre, par le grand et par le vrai. Le grand prend les masses,
le vrai saisi l'individu » Victor Hugo (cité à de nombreuses reprises par Thomas Jolly pour expliquer son travail)
supplicié sur son bûcher.
Avec ce concept, Antonin Artaud (1896-1948) propose « un théâtre où des images physiques violentes broient et hypnotisent la sensibilité du spectateur ». A la vue de cette violence naît la « violence de la pensée » chez le spectateur, violence désintéressée qui joue un rôle semblable à la catharsis. En effet, le théâtre devient une fonction qui fournit « au
spectateur des précipités véridiques de rêves, où son goût du crime, ses obsessions érotiques, sa sauvagerie, ses chimères, son sens utopique de la vie et des choses, son cannibalisme même, se débondent, sur un plan non pas supposé et illusoire, mais intérieur » ; en d’autres mots, ces rêves exaltent ses pulsions pour produire une « sublimation », sorte de purgation des mauvaises passions.
Artaud aimerait retrouver la force que les tragédies antiques pouvaient exercer en leur temps et donc reconstruire un théâtre « autour de personnages fameux, de crimes atroces, de surhumains dévouements », avec des « thèmes historiques ou cosmiques, connus de tous ».
Antonin Artaud place la mise en scène comme « le point de départ de toute création théâtrale ». Pour que ce théâtre puisse agir, il faut d’abord « lui rendre son langage ». Et c’est la mise en scène qui, au centre du processus de création, va pouvoir donner naissance au « langage type du théâtre » « dynamique et dans l’espace ».
Dans sa conception du spectacle, la sonorisation est constante et les « cris » sont recherchés puisqu’ils sont un moyen de communication directe aux sens des spectateurs.
Dans « Le théâtre de la cruauté », Artaud dresse un portrait du spectacle qu’il souhaite atteindre :
« Tout spectacle contiendra un élément physique et objectif, sensible à tous. Cris, plaintes, apparitions, surprises, coups
de théâtre de toutes sortes, beauté magique des costumes pris à certains modèles rituels, resplendissements de la
lumière, beauté incantatoire des voix, charme de l’harmonie, notes rares de la musique, couleurs des objets, rythme
physique des mouvements dont le crescendo et le decrescendo épousera la pulsation de mouvements familiers à tous,
apparitions concrètes d’objets neufs et surprenants, masques, mannequins de plusieurs mètres, changements brusques
de la lumière, action physique de la lumière qui éveille le chaud et le froid, etc » [Source : Antonin Artaud, Le théâtre et son double, Paris, Gallimard, coll. « folio essais »]
Artaud pense que le théâtre peut agir potentiellement pour changer la société : « le théâtre utilisé dans un sens supérieur (…) a la force d’influer sur l’aspect et sur la formation des choses »
On retrouve chez Thomas Jolly cette volonté de faire déclamer le texte avec force, véhémence, volonté parfois aussi de pousser les comédiens qu’il dirige (mais également lui-même lorsqu'il incarne Richard ou Atrée) dans des retranchements passionnels et passionnés, de les positionner dans des postures physiques inconfortables voire douloureuses.
Le son et la lumière ne sont pas pour lui des accessoires de jeu ou de mise en scène mais des éléments aussi importants que le jeu des acteurs et qu’il faut envisager avec autant de résonance que le texte ou le jeu.
Thomas Jolly aime à mettre en scène des personnages de théâtre "monstrueux", torturés mais qui au départ étaient presque normaux … c’est la société, la quête du pouvoir, la déception, la jalousie, entre autres, qui les a rendus cruels, totalitaires, meurtriers. On pourrait établir un lien entre ces choix du metteur en scène et « La banalité du mal » qu'Hannah Arendt théorisa en 1961 en parlant d’Eichmann, fonctionnaire et criminel nazi, jugé à Jérusalem. En effet, le mal est insidieux et peut se nicher au cœur de personnes au départ normales mais que le pouvoir corrompt. C'est ce qu'on peut entendre lors des différentes interview de Thomas Jolly (que vous avez en référence au début de ce dossier). On pourrait citer en exemple le personnage de Richard dans Richard III. Mais bien bien plus que Richard, Atrée dans Thyeste en est l’illustration parfaire. Qu'est ce qui fait qu'Atrée passe du frère et du mari aimant, du roi juste au monstre
sanguinaire qui fera égorgé ses neveux pour les donner à manger à leur père Thyeste.
Comme Artaud, Thomas Jolly a la juste conviction que le théâtre est certes un divertissement, mais qu'il a aussi, depuis l'Antiquité, la fonction de faire réfléchir le peuple pour avancer, voire changer les sociétés dans lesquelles nous évoluons. C'est avec cette conviction chevillée au corps qu'il choisit les textes et les personnages qu'il met au plateau.
« Il y a deux manière de passionner la foule au théâtre, par le grand et par le vrai. Le grand prend les masses,
le vrai saisi l'individu » Victor Hugo (cité à de nombreuses reprises par Thomas Jolly pour expliquer son travail)
© Photos : Christophe Raynaud de Lage
quelques ressources
Après cette longue introduction sur le comédien et metteur en scène, ainsi que sur son univers artistique, les élèves ont regardé des interviews ou des spectacles disponibles sur des plateformes en ligne.
Reportages et interviews spécialement centrés sur Thyeste
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Deux émissions de radio à écouter (et à lire)
Trois articles à lire
Extraits de Thyeste sur Youtude
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